Dîner-Causerie : De la capacité des petites îles à affronter la globalisation.

J Crusol Petite

Dîner-causerie du 5 juin 2008 au siège du C.A.S.O.D.O.M.  Le sujet a suscité un intérêt tout particulier de la part des habitués de nos dîners-causeries.

 

« Les îles à sucre » nous dit l’auteur, est le fruit d’une trentaine d’années de travail et de réflexion. Il porte sur les îles de trois archipels : les Caraïbes, les Mascareignes et les îles Pacifiques. En 500 pages sont présentés: les différents systèmes coloniaux (espagnol, français, britannique, hollandais, danois…) qui ont servi de cadre à la formation historique de ces sociétés insulaires ; les évolutions économiques et sociales de la fondation aux abolitions ; les transformations sociales et politiques post-esclavagistes ; l’étude comparative des chemins parcourus dans le cadre des différentes options de décolonisation retenues après la seconde guerre mondiale; les perspectives ouvertes à ces îles dans le cadre de la globalisation.

Ce que nous enseigne l’histoire, nous dit l’auteur, c’est que les îles à sucre sont parmi les premières sociétés créées de « toute pièce » par la mondialisation du capitalisme occidental à partir de la fin du XVe siècle. Colonies des métropoles européennes, elles connaissent la décolonisation à partir de la seconde moitié du XXe siècle -à l’exception des grandes îles comme Haïti, Cuba et la République Dominicaine qui deviennent indépendantes au XIXe siècle. En fonction de conjonctures politiques particulières à cette époque, trois options de décolonisation sont retenues : celle de l’indépendance (îles anglophones et Surinam), celle de l’autonomie (Antilles Néerlandaises, Puerto Rico et quelques petites îles anglophones) et celle de l’intégration à de grandes nations occidentales (Antilles Françaises, Réunion et îles Hawaï). L’étude comparative des performances économiques et sociales des îles au cours des années allant de 1950 à 2007, montre que les meilleures performances (mesurées par des indicateurs tels que per capita, IDH, taux de salaire…etc), sont celles des îles intégrées à des nations occidentales, en seconde position viennent les îles qui ont accédé à l’autonomie, et en troisième position, celles devenues indépendantes. Certaines îles indépendantes ont des performances meilleures que les autres (Barbade, Bahamas, Maurice…par exemple), mais globalement, elles restent toutes en-deçà des performances réalisées par des îles intégrées à des nations occidentales. Quelques îles indépendantes connaissent la stagnation, voire une nette régression (Haïti, Cuba…).

La mondialisation, dans sa phase actuelle, signifie l’unification du marché mondial, la globalisation financière, l’émergence de nouveaux Etat-continents (Chine, Inde, Brésil…) où les

  

économies d’échelle sont quasi illimitées et les avantages comparatifs imbattables. Nous dénommons cette nouvelle phase de la mondialisation, la globalisation. Dans cette phase, ce qui fut historiquement la caractéristique fondamentale des économies insulaires, « l’isolement », est appelé à disparaître. La compétition globalisée met à l’épreuve les fondements même des économies insulaires, leur exiguïté et leur isolement, c'est-à-dire leur difficulté à réaliser des économies d’échelle. Fort heureusement, la globalisation repose sur des moyens technologiques (transport, communication, télécommunication, technologies de l’information…) auxquelles les îles peuvent elles aussi recourir. Il s’agit pour elle de sortir progressivement du champ de la production de bien à grande échelle, dans lequel elles n’ont aucune chance de résister à la compétition mondialisée, pour investir celui de la production de service (tourisme, santé, formation…) et des produits de « marché de niche », où ce qui compte, ce n’est pas « l’avantage comparatif », reposant sur les coûts et les quantités, mais « l’avantage compétitif » faisant intervenir la qualité, le savoir-faire, les délais, la confiance… Au lieu de chercher à produire massivement des biens primaires, agricoles ou industriels, à bon marché, elles doivent chercher à produire des services et un petit nombre de biens, en petites quantités, mais à haute valeur-ajouté. Pour cela, la recherche, la formation, le savoir-faire, les technologies de l’information…sont essentiels. Seule une telle orientation est naturellement compatible avec la préservation de l’environnement et du patrimoine insulaire, fragiles par nature. Il s’agit pour les îles, comme pour les pays les plus avancés, d’évoluer vers une nouvelle forme de société, celle « des services, de l’information et du savoir ».

 

Face à la perspective et aux enjeux du XXIe siècle, les sociétés des « îles à sucre » ne sont pas dépourvues d’atout. Produites par la mondialisation occidentale, elles ont appris à travers les siècles, à réagir et à s’ajuster aux nombreux bouleversements que celle-ci a imposé au monde. Les îles les mieux placées, face à la globalisation, sont celles qui ont été intégrées de manière complète ou incomplète à une grande nation ou un grand ensemble occidental. Mais les autres « îles à sucre » possèdent aussi des atouts qu’il leur appartient de découvrir et d’utiliser.

 

Un intense échange de vues a eu lieu à la suite de l’exposé du conférencier, alimenté par les interrogations que suscite l’avenir de nos îles. De multiples aspects de leurs économies ont été évoqués, tantôt pour mettre l’accent des difficultés qu’elles traversent, tantôt pour évoquer les espoirs qu’elles font naître.