Ce dîner-causerie a eu lieu le 26 septembre 2006.
La démarche du conférencier pour traiter de ce sujet est une approche scientifique utilisant les moyens de la statistique, des concepts et théories économiques replacés dans le contexte historique de l’époque
Trois thèmes ont été abordés :
-1 : Y’a-t-il eu anticipation, par les planteurs, du risque d’une abolition proche ?
Pour répondre à cette question, est faite l’hypothèse suivante : si les planteurs anticipent la disparition du système, alors la « valeur de l‘esclave » aura tendance à diminuer (en effet, à l’abolition, la valeur de ce capital deviendra nul si l’on fait abstraction d’une indemnisation éventuelle), alors que la valeur de la terre qui, elle, restera aux mains des planteurs, aura, au contraire, tendance à prendre de la valeur.
Les calculs statistiques montrent qu’il est à peu près sûr que les planteurs de La Réunion avaient largement pris conscience de la précarité du système en place, qu’en Guyane, sans être aussi nette, la prise de conscience existe. En Martinique, l’analyse économique donne à penser que sans trop y croire les planteurs commençaient à s’interroger. Pour la Guadeloupe, nous n’avons pas de données statistiques, mais des écrits de religieux tendent à montrer qu’il y avait une inquiétude.
- 2 : Les « nouveaux libres » ruraux ont-ils déserté les plantations ? La taille de celles-ci en a-t-elle été affectée ? Quelles conséquences sur les exportations ?
La statistique confirme qu’au moins temporairement, au moment de l’abolition, il y a bien eu désertion. Dans tous les territoires, avec des nuances cependant, le nombre moyen d’esclaves employés sur les « habitations » diminue ainsi que la taille moyenne de celles- ci . La combinaison de ces deux informations confirme l’hypothèse de la création de « micro habitations » par les nouveaux libres. Les graphiques, pour les colonies, montrent que les exportations, en particulier de sucre, diminuent. Cependant, si l’on observe la tendance longue, 1848, aussi bien aux Antilles - Guyane qu’à La Réunion, apparaît plutôt comme le début d’une phase de transition.
-3 : Avec l’Abolition, effondrement ou adaptation des structures économiques ? Quelles conséquences à plus long terme ?
Sans conteste effondrement temporaire puis adaptation plus ou moins réussie selon les colonies et spéculations agricoles ?
A La Réunion, l’abolition accélère les changements déjà en cours dans les structures agraires.
En Martinique, la tendance est moins marquée. En Guyane, toutes les cultures régressent.
A long terme, aux Antilles, les évolutions sont divergentes. En Guadeloupe, la modernisation profita surtout aux groupes d’intérêt métropolitains et martiniquais. En Martinique, la puissante communauté « béké » garda la main mise sur la canne dont les exportations, après la crise de 1850, repartent à la hausse.
Le fait que l’économie de plantation ait survécu à l’abolition et ait conservé son quasi monopole sera, en partie, à la base des crises agricoles et sociales de la fin du XIXème siècle. En Guyane, la rupture avec l’économie de plantation est beaucoup plus brutale. En 1880, la Guyane a basculé dans la fièvre de l’or.
En conclusion, l’abolition est tout à la fois une fin et un début. C’est la fin d’un système économique et social, basé, au sens fort du terme, sur l’exploitation de l’homme par l’homme. C’est, selon le conférencier, le début d’un long et difficile parcours au cours duquel les nouveaux citoyens devront prendre en main leur destin.
L’exposé a été suivi de substantiels et intéressants échanges auxquels le conférencier a apporté à chaque fois des réponses complètes, démontrant ainsi sa bonne connaissance de la question.
Malgré le caractère sensible du sujet, les échanges ont été généralement bien maîtrisés. Ce qui est la preuve que n’importe quel thème peut être abordé au cours de ces dîners-causeries qui, au delà des polémiques, ont pour but de s’informer et de se livrer, sur un mode convivial, à des discussions libres dont la pondération est la marque.
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